09 septembre 2021

Alerte enlèvement à la manchotière

    Le mois d’août est passé à grande vitesse et nous voici déjà mi-septembre (à quelques jours près évidemment). Le printemps est presque là et bientôt ce sera le retour de toutes les espèces qui nous ont accompagnés lors de la campagne d’été. Le doux chant des manchots Adélie et des pétrels des neiges comblera nos oreilles dès le mois d’octobre, c’est-à-dire demain. Même s’il nous reste encore près de deux mois d’hivernage, nous commençons tous à penser au retour et à nos futurs projets, car pendant la campagne d’été, nous n’aurons pas beaucoup de temps à y consacrer.

Manchot apprenant qu’il ne reste plus que deux mois d’hivernage

    Dans cet article, je voulais vous parler d’un comportement assez méconnu chez les manchots empereurs qui m’a occupée durant tout le mois dernier. Août n’est pas le second mois des vacances d’été pour les empereurs mais bien la saison des amours rapts. Et oui, ces oiseaux (rappelez-vous bien que ce sont des oiseaux même s’ils ne volent pas et que de loin, leurs plumes ressemblent plus à des écailles ou à des poils) ne supportent pas de ne pas élever de poussins. Bon, vous vous en doutez c’est un petit peu plus complexe qu’une simple envie d’avoir une progéniture sur ses pattes qui vous empêche de marcher correctement et « rapidement » (tout est relatif), et qui en plus réclame à manger régulièrement alors que vous êtes en plein jeûne.

Un œuf-poussin ou un poussin-œuf prenant des forces

     Tous les individus de la colonie ne réussissent pas leur reproduction. Certains perdent leur œuf lors de la passation d’œuf avec leur partenaire, lors d’un déplacement ou lors d’une tempête. Ils peuvent aussi perdre leur poussin pour les mêmes raisons. Ces individus sont ainsi en échec reproducteur et se retrouvent sans rien sur les pattes au milieu de la manchotière. A la différence de nombreuses d’espèces d’oiseaux, les empereurs conservent un taux d’hormones élevé pendant une longue période car lors de leurs voyages en mer pour aller se nourrir, ils ne peuvent être stimulés par la présence d’un poussin qui permettrait de garder un taux d’hormones élevé (en particulier la prolactine qui est notamment liée à la reproduction et aux soins parentaux). Si l’on repart en mai : la femelle vient de pondre et passe l’œuf au mâle. Elle part ensuite en mer pour se nourrir et ne va revenir que deux mois plus tard. Son taux d’hormones est toujours très élevé, la « poussant » à revenir à la colonie nourrir le poussin qu’elle n’a encore jamais vu. Elle ne sait donc pas si son mâle a perdu l’œuf ou le poussin tout juste né. Si tel est le cas, il existe une forte probabilité pour qu’elle kidnappe le poussin d’un autre, probablement incitée par son taux d’hormones élevé et par une stimulation sociale due au fait que les manchots nichent en colonie sans territoire (la surface de leur territoire se limite à leurs pattes où ils gardent l’œuf ou le jeune poussin). Le principe est le même quand c’est ensuite le mâle qui part en mer.

    Cela donne lieu à des scènes parfois assez impressionnantes. Il peut y avoir des « petits » rapts impliquant seulement deux ou trois individus qui se poussent soit pour kidnapper soit pour protéger le poussin, mais il y a également des rapts impliquant dix, quinze, vingt manchots qui se poussent, se grimpent dessus, se donnent des coups de becs ou des coups d’aileron, formant ainsi une mêlée de rugby où le poussin serait l’équivalent du ballon, coincé en dessous, piétiné par tous ces adultes. 

Le calme avant la tempête

Petit rapt en duo

Un poussin-ballon au milieu de la mêlée

     Lors de ces événements, les adultes peuvent se blesser et j’ai régulièrement observé des manchots se promenant avec de jolies traces rouge sang sur le plumage. Quant au poussin, il peut parfois être blessé voire tué. Ce n’est pas toujours évident de connaître le devenir du poussin parmi tous ces adultes. Lorsque le rapt est réussi, le manchot rapteur finit souvent par abandonner le poussin quelques heures ou quelques jours après. L’intérêt évolutif de ce comportement pour l’espèce est toutefois encore inconnu.

Le rouge, une nouvelle couleur dans ces paysages blancs bleus et gris
(bon et aussi un peu orange avec les manchots)

        Petite vidéo d’un rapt pour vous donner un aperçu :

    Maintenant que les poussins deviennent indépendants thermiquement et qu’ils commencent à se mettre en crèche pour se tenir chaud, il n’y a plus de rapts (il y a bien quelques essais mais comme les poussins courent sur leurs petites pattes, cela ressemble plus à des courses poursuite qu’à des rapts : un poussin suivi par dix manchots adultes qui se promènent dans la colonie). Pour les curieux, voici un article (en anglais) sur les rapts des poussins empereurs: https://www.cebc.cnrs.fr/wp-content/uploads/publipdf/2006/AJEB209.pdf.

    Désormais, la colonie est un peu plus calme, ou plutôt ce n’est pas la même agitation. Il y a des petits poussins qui courent partout et des pétrels géants qui rodent et qui attaquent les petits empereurs pour se nourrir.

Des poussins indépendants

Coucou !

De gros poussins qui ne tiennent presque plus sur les pattes de leurs parents

Manchots avec manchots parmi les manchots

Confortable comme position pour la sieste non ?

 

Pétrel géant antarctique en plein déjeuner

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